Le bail à nourriture est la convention par laquelle un individu s’oblige à pourvoir aux besoins essentiels d’une autre personne (nourrir, soigner, loger, etc.) sa vie durant, moyennant le payement d’un capital, une redevance annuelle, l’abandon de créances, ou encore l’aliénation d’un immeuble. Le bail à nourriture, selon la Cour de cassation, met à la charge du débiteur une obligation de faire, indéterminée quant à sa valeur, continue dans le temps et incessible qui s’analyse en un contrat à fonds perdu, l’aliénation qu’il implique étant faite moyennant des prestations annuelles qui doivent s’éteindre avec la vie du vendeur » (Cass. civ., 13 mai 1952).
Par le passé, ce contrat était fréquemment usité en faveur des « insensés » et des « furieux » qui se trouvaient dans le dénuement (Nouveau Denisart, V° Bail à nourriture, § 3) et, disait-on, était « grandement utile aux pupilles » (Le Grand, sur l’article 24 de la Cout. de Troyes, n° 46). Il servait également de cadre juridique aux dots moniales. En effet, les religieuses rentraient en communauté en apportant une dot et en contrepartie la congrégation s’engageait à les loger, nourrir et entretenir leur vie durant.
Aujourd’hui, il connaît un relatif succès, essentiellement en milieu rural.
À l’image du mandat de protection futur ou à effet posthume, le bail à nourriture participe à l’évolution de la société où l’individu, de plus en plus isolé, souhaite maîtriser et anticiper sa vulnérabilité, en choisissant lui-même un tiers de confiance. L’institution a ainsi pu être qualifiée de « quasi familiale » ou encore, selon les termes du Doyen Carbonnier, de « sorte d’adoption des vieillards » (J. Carbonnier, obs. in RTD civ. 1946, p. 325).
Exemple jurisprudentiel :
Le 23 février 2011, Mme Elia D a fait donation à son fils Jean-Michel D de l’usufruit d’une maison à usage d’habitation avec garage et terrain attenant situé […] avec engagement par le donataire – auquel la nue-propriété du bien a été attribuée le 29 avril 1993 – à compter du jour de la signature de l’acte soit, de recevoir la donatrice à son domicile, soit de la visiter à son domicile ou résidence, à lui fournir et à acquitter pour son compte toutes les prestations de la vie courante en quantité et qualité normale et suffisante, que ce soit tant en santé qu’en maladie, de manière à lui procurer sa vie durant une existence tant physique que morale normale.
En cas de maladie du donateur les frais extraordinaires auxquelles cette maladie donnera lieu seront à la charge du donateur dans la mesure de leur prise en charge par la sécurité sociale et les mutuelles.
Il est expressément prévu à l’acte notarié qu’en cas de décès du donataire avant l’extinction du bail à nourriture ses ayants droits devront exécuter cette charge et que si la donatrice venait à être admise dans une maison de retraite définitivement ou hospitalisée pour une longue durée sans espoir de retour à son domicile, l’une ou l’autre des parties pourra demander la substitution pure et simple au bail à nourriture du service d’une rente viagère dont les modalités de paiement et de révision sont déjà définies.
Le bail à nourriture à la charge de M. Jean-Michel D est caractérisé et au demeurant non contesté dans sa teneur.
Depuis le 23 février 2011, il incombe donc à M. Jean-Michel D. désormais pleinement propriétaire d’un immeuble qui, précédemment loué, procurait des revenus à son usufruitière, de prendre en charge, ce jusqu’à une éventuelle conversion de son obligation en rente viagère, l’intégralité des frais d’entretien et de maison de retraite de Mme Elia D sans qu’il puisse valablement prétendre à une subsidiarité de son engagement et à un différé de son obligation à prendre en charge sa mère jusqu’à apurement des sommes données par cette dernière à ses trois enfants le 18 novembre 2009.
Le jugement déféré qui a condamné M. Jean-Michel D à prendre seul en charge à compter du 23 février 2011 le coût de l’hébergement de Mme Elia D à la maison de retraite « La Jolivade » excédant ses ressources disponibles et par suite à rembourser à Mme Annie A. et M. Alain D les sommes qu’ils ont versés de ce chef , mérite donc confirmation.
- Cour d’appel de Nîmes, 1re chambre civile, 3 septembre 2015, RG n° 14/02244
Un bail à nourriture – du temps où les actes notariés n’avaient qu’une seule page mais étaient compréhensibles, alors qu’aujourd’hui il faudrait 30 pages de charabia:
François Purrey et Marie Bouleytier, tous les deux âgés, étaient « entrés au domicile de leur fils » le 8 février 1845, au lieudit Les Cabanes à Landerrouat.
Ce n’est que le 3 mai 1845 qu’un accord a été mis en forme chez le notaire.
L’engagement de la part du fils de « les nourrir, blanchir, chauffer, éclairer, entretenir et soigner tant en santé qu’en maladie », devait prendre fin le 8 février 1846. En retour de cette obligation les parents promettent de payer 300 francs.
En cas de décès la somme due serait proportionnelle, pour le survivant «au temps couru».
Bail à nourriture
pardevant Me Largeteau notaire à Soussac Ont comparu Cazebonne Cazebonne Largeteau |
Source : Site Cahiers d’archives.