Extrait d’un rapport de synthèse rédigé par Pierre Murat in La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 4, 27 Janvier 2012, 1062
L’acte notarié : rédaction et réception
Crise de l’acte notarié ? – L’acte authentique est dans la tourmente : il connaît une crise d’identité sous la poussée d’une pensée ultra-libérale et d’inspiration de Common Law qui peine à comprendre les systèmes de droit civil. En retenant que « l’activité d’authentification confiée aux notaires ne comporte pas, en tant que telle, une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE », les arrêts de la CJUE du 24 mai 2011 sur la condition de nationalité montrent bien que la philosophie de l’acte authentique a du mal à être comprise.
La contestation d’une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique constitue une négation de l’histoire de l’authenticité et de ce qui fait son esprit : contrairement à ce que peut laisser penser les raisonnements de la CJUE, la parcelle d’autorité publique détenue par le Notariat ne réside certainement pas dans sa capacité d’imposer quoique ce soit aux parties – c’est-à-dire dans la détention de la force publique – mais bien dans l’autorité particulière qui a été conférée aux notaires afin que ceux-ci rédigent des actes investis de ce que l’on appelait jadis la publica fides, qui s’est étendue sous l’Ancien Régime des jugements aux actes notariés. Crise d’identité, aussi, du fait de la concurrence faite par l’acte contresigné par avocat : bien sûr les deux types d’actes demeurent fondamentalement différents : l’acte contresigné reste un acte sous seing privé ; mais dans l’esprit du public, le trouble et la confusion ne risquent-ils pas de naître ? La question est posée …
Rédaction et réception. – Le sous-titre donné à la journée – « rédaction et réception » – pourrait laisser penser que ses promoteurs ont décidé de s’intéresser à des questions a priori plus techniques : en réalité – comme toujours en droit et cela se vérifie ici aussi – la technique cache des questions fondamentales. Rédiger, c’est faire une œuvre intellectuelle ; recevoir, c’est consacrer l’authenticité ; les deux aspects sont complémentaires et indissociables. Toute l’authenticité est dans le lien entre l’homme et l’acte, sous les deux aspects de la rédaction et la réception. Je n’ai pas cherché ailleurs mes lignes directrices.